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[CHRONIQUE] Le Chant d’Achille

Autrice : Madeline MILLER
Edition : Ecco (HarperCollins)

Résumé
Ce ne sont encore que des enfants : Patrocle est aussi chétif et maladroit qu’Achille est solaire, puissant, promis à la gloire des immortels. Mais, grandissant côte à côte, un lien se tisse entre ces deux êtres si dissemblables.
Quand, à l’appel du roi Agamemnon, les jeunes princes se joignent au siège de Troie, la sagesse de l’un et la colère de l’autre pourraient bien faire dévier le cours de la guerre… Au risque de faire mentir l’Olympe et ses oracles.

Mon avis
J’avais découvert ce roman complètement par hasard en 2018, suite à un tweet de Goodreads qui le mentionnait dans l’une de ses sélections (je ne sais plus pour quelle catégorie). En tant que grande fan de l’Iliade et de tout ce qui touche à la guerre de Troie, je m’étais empressée de me le procurer en VO… il m’aura fallu un an exactement pour le sortir de ma PAL.

Avant toute chose, je pense qu’il est nécessaire de préciser que Madeline Miller a étudié et enseigné les langues anciennes, et notamment le grec ancien, et que ça se ressent dans son roman (son premier roman ! sorti en 2011) : clairement, elle maîtrise le sujet, elle connaît l’histoire et les personnages liés à ce monument de la littérature qu’est l’Iliade, et le résultat (concernant les événements décrits) est plutôt fidèle dans l’ensemble, même si elle a pris quelques libertés.
De quoi rassurer un peu les gens (comme moi) chez qui ce point susciterait quelque appréhension.

Deuxième précision : comme je l’ai déjà indiqué plus haut, l’Iliade est pour moi un texte qui contient une dimension affective, liée à mon vécu, ayant moi-même été amenée à l’analyser et à en traduire certains passages pendant mes études. Il m’avait beaucoup marquée et reste l’un de mes récits préférés.
Par conséquent, ma lecture du Chant d’Achille a été un peu particulière dans le sens où, bien que lisant ce roman pour la première fois, je savais déjà ce qui m’attendait (ce qui ne m’a pas empêché de vivre cette lecture à fond) et je n’avais donc probablement pas la même approche que quelqu’un qui ne connaîtrait pas le texte original.

Ceci étant dit, passons à l’appréciation…

Ce qui m’a tout de suite fait accrocher à ce roman, c’est qu’il est raconté du point de vue de Patrocle. On y découvre son enfance, puis son exil au royaume de Phtie où il rencontre Achille, fils du roi Pelée et de la nymphe Thétis, dont il deviendra le plus proche compagnon, pour le meilleur et pour le pire.

« Je le reconnaîtrais rien qu’au toucher, ou à son odeur, je le reconnaîtrais si j’étais aveugle, aux seuls bruits de sa respiration et de ses pas martelant le sol. Je le reconnaîtrais dans la mort, à la fin du monde. »

J’ai adoré voir naître et évoluer la relation entre ces personnages si différents (paria et héros, ombre et lumière, calme et tempête) et qui pourtant semblent destinés à s’unir : alors qu’Achille sera amené à semer la mort, Patrocle s’efforcera de sauver des vies.
Et lorsque, enivré par sa soif de gloire, aveuglé par sa colère, Achille risquera de causer sa propre perte, Patrocle sera peut-être le seul à pouvoir le sauver de lui-même… mais à quel prix ?

Outre ces deux protagonistes, on retrouve également les autres personnages emblématiques liés à la guerre de Troie : côté grec, les différents rois, avec notamment les frères Agamemnon et Ménélas, le rusé Ulysse, le colosse Ajax… ; côté troyen, les princes Paris (le ravisseur d’Hélène, épouse de Ménélas) et Hector, le roi Priam, l’esclave Briséis

« Aucun homme ne vaut plus qu’un autre, d’où qu’il vienne. »

Et bien sûr, en coulisses, il y aura aussi les dieux capricieux (et notamment Thétis, la mère d’Achille) qui viendront influencer le cours des événements, prenant le parti des uns ou des autres. Pour s’attirer leurs faveurs, les hommes seront parfois contraints à de lourds sacrifices

« Aucune loi n’oblige les dieux à être justes, Achille, reprit Chiron. Et après tout, peut-être que l’ultime chagrin consiste à se retrouver seul sur terre une fois que l’autre est parti. »

En effet, la mythologie est bien présente dans le récit, et avec elle les fameuses prophéties, tour à tour messages d’espoir ou sentences sinistres, auxquelles les mortels tenteront de soustraire par tous les moyens sans jamais y parvenir, ce qui leur donne un caractère fatal et sert à entretenir l’appréhension du lecteur.

L’histoire, quant à elle, couvre bien plus que les événements décrits dans l’Iliade, puisque l’oeuvre d’Homère commence alors que le siège de Troie dure depuis déjà 10 ans (ce qui correspond environ au dernier tiers du présent roman).
J’ai trouvé la fin sublime, comme une apothéose de toutes les émotions ressenties durant la lecture de cette magnifique adaptation. Je me demandais comment Madeline Miller allait s’y prendre pour raconter le dénouement, et j’en suis très satisfaite 😁

Si j’avais un seul regret à émettre, ce serait dans le traitement du personnage d’Hector, que je n’ai pas trouvé à la hauteur de l’original : Homère met beaucoup l’accent sur le caractère noble de ce héros troyen, prisonnier de son destin de prince héritier alors qu’il n’aspire qu’à vivre en paix avec sa femme Andromaque et à voir grandir son fils Astyanax. C’est mon personnage préféré de l’Iliade (et l’un de mes préférés toutes lectures confondues), du coup je suis très critique sur la façon dont les autres auteurs se l’approprient, et sur ce point c’est une petite déception.

Mais pour le reste, vous l’aurez compris : il s’agit de mon premier coup de coeur de 2020 🎉 Je n’hésiterai donc pas à me procurer Circé, le deuxième roman de l’autrice sorti en 2018, et qui semble avoir le même succès que le premier !

***

« — Trouve-moi un héros qui ait été heureux.
Je réfléchis. Héraclès était devenu fou avant de tuer sa famille ; Thésée avait perdu son épouse et son père ; les enfants de Jason et sa nouvelle femme avaient été assassinés par la précédente ; et si Bellérophon avait tué la Chimère, il était resté estropié après être tombé du dos de Pégase.
— Tu vois, tu ne peux pas.
Il s’était rassis, penché en avant.
— C’est vrai.
— Je sais. On ne te laisse jamais être à la fois célèbre et heureux, constata-t-il en arquant un sourcil. »

10 commentaires sur “[CHRONIQUE] Le Chant d’Achille

  1. J’aime aussi beaucoup L’Iliade que j’ai lue, relue, et rerelue, surtout pendant mes études (j’ai souvenir d’avoir brillé sur l’explication de ce qu’étaient des cnémides en colle, merci Gemmell ^^), donc je note ce titre qui semble avoir tout pour me plaire. En tout cas, ta chronique me donne hyper envie 🙂
    As-tu lu Le Silence des vaincues de Pat Barker (éd. Charleston) sorti cette année en VF ? C’est le siège de Troie vue par les femmes prisonnières du camp grec, et c’est intéressant aussi ! (pas du tout épique par contre).

    Aimé par 1 personne

    1. Je suis très fan aussi de l’Iliade, qui reste l’un des textes qui m’ont le plus marqués quand j’étais ado (je suis amoureuse d’Hector aussi 😂) Ce roman est très beau, et puis ce n’est pas commun d’avoir le point de vue de Patrocle ^^ J’espère qu’il te plaira si tu décides de le lire !
      Je n’ai pas lu le roman dont tu parles, mais j’étais tombée dessus en librairie et je me le suis noté (la couverture anglaise est trop belle 😍)

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